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La RSE s'enracine

Dans un contexte où les enjeux sociétaux et environnementaux sont devenus une question vitale pour les acteurs économiques et la planète, la notion de responsabilité sociétale des entreprises se diffuse peu à peu dans les rouages des stratégies, comme le démontrent les témoignages recueillis.

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Le sujet de la RSE pose une question de fond sur la légitimité d'une entreprise et donc sa raison d'être. Pour preuve, les derniers débats à l'Assemblée nationale autour de l'article 61 de la loi Pacte, qui dénotent un certain consensus autour du rôle de l'entreprise face aux enjeux sociétaux et environnementaux. Les députés ont davantage débattu sur la forme que sur le fond, avec l'ajout d'un alinéa, à travers cet article 61, dans le code civil et le code du commerce, stipulant que « la société est gérée dans son intérêt social et en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Député et juriste, Daniel Fasquelle, dont les amendements ont été rejetés, s'est élevé contre ce texte, estimant qu'il pouvait être source de contentieux : « Il est évident qu'en l'espèce, le simple fait de ne pas avoir pris en considération les enjeux sociaux et environnementaux constituera une faute », a-t-il soutenu lors de la séance du 5 octobre après avoir alerté sur les responsabilités : « Comment sera sanctionnée une telle faute ? Qui, dans l'entreprise, le sera ? (...) Ce sont des questions importantes et vous êtes en train de créer, avec ces nouvelles dispositions ajoutées au code civil, un nid à contentieux. On peut partager votre objectif et ne pas approuver votre méthode. »

Une obligation de moyen dans la loi Pacte

De son côté, Delphine Gény-Stephann, alors secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie, avait répliqué : « Nous souhaitons que tous les dirigeants soient amenés à s'interroger sur les enjeux sociaux et environnementaux de leur activité (...). Il s'agit d'imprimer cela dans la vie quotidienne des sociétés et de faire en sorte que les dirigeants aient ces questions à l'esprit au moment de prendre leurs décisions. Il s'agit d'une obligation de moyens, et non de résultats, mais il nous semble important de l'inscrire dans le code civil. » Le projet de loi Pacte, dont cet article 61, a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale et devrait être finalisé au printemps prochain. Ces débats sont à considérer avec attention car jusqu'où pourrait aller la législation à l'avenir ? Si d'aucuns estiment, à l'instar de l'Afnor, qu'un texte législatif pourrait faciliter le déploiement de la RSE, n'est-il pas regrettable d'en arriver là pour une démarche dont l'essence même est davantage basée sur une adhésion de plein gré que sur une adhésion au pied-de-biche ? N'est ce pas antinomique avec une RSE qui prône l'ouverture et le dialogue ?

Le pouvoir des donneurs d'ordre

Aussi, ne vaut-il pas mieux être proactif sur le sujet ? La responsable RSE d'Axéréal, Céline Montauriol, estime qu'« une entreprise qui n'a pas pris le virage de la durabilité ne survivra pas. C'est notre devoir d'accompagner vers la transition alimentaire. L'enjeu n'est pas dans la publication d'un rapport obligatoire, mais dans la transformation de nos métiers avec un esprit RSE à diffuser dans toutes les activités du groupe. » D'autant plus que l'aval prend la main sur cette transition alimentaire, à l'image de Carrefour s'arrogeant le leadership de ce mouvement, « mais plus pour entraîner tout le monde dans cette dynamique que pour en avoir le monopole », tient à préciser Bertrand Swiderski, directeur RSE du groupe Carrefour.

Entre les exigences de l'aval et de consommateurs fans d'appli comme Yuka pour choisir leurs aliments, les impératifs environnementaux renforcés par le dernier rapport du Giec et des pétitions en cours telle celle des étudiants de grandes écoles (1), l'obligation réglementaire pour certaines entreprises de produire une déclaration de performance extra-financière, une législation française en mouvement et les engagements mondiaux comme les objectifs de développement durables (ODD) qui invitent le monde de l'entreprise à s'y investir, plus aucun acteur économique ne peut échapper aux valeurs portées par la RSE. Et ainsi que le souligne Fabrice Bonnifet, président du Collège des directeurs du développement durable, « si le capital naturel est dégradé, il n'y aura plus de business ».Une enquête de Bpifrance montre que si déjà 50 % des dirigeants de PME ou ETI affirment avoir une démarche RSE (voir ci-dessus), il reste toutefois du chemin à parcourir.

L'agro plus mature

De son côté, l'Afnor observe que, parmi les labellisés Engagé RSE, les plus matures sont en majorité issus de l'agroalimentaire. D'ailleurs, on note une montée en puissance de la politique RSE comme chez Axéréal (p. 32), à La Tricherie (p. 32), chez Océalia (p. 27), Scara (p. 31), Vivescia (p. 30), 110 Bourgogne (p. 26). Chacun y va à son rythme, avec ses moyens, comme le fait comprendre un jeune dirigeant de négoce, Raphaël Jeudy : « La RSE, nous la vivons au quotidien. Surtout sous l'aspect humain : nous prenons davantage le temps de faire des bilans avec nos collaborateurs dans un métier où nous avons toujours la tête dans le guidon. » Même si ce négociant n'est pas dans une démarche formalisée, il a conscience « qu'il s'agit d'être impeccable en vendant de façon mesurée avec une politique agroenvironnementale au top ». Pour aller plus loin, les moyens d'accompagnement et les réseaux d'échanges ne manquent pas. Mais la RSE réglera-t-elle tout, notamment les relations commerciales ?

DOSSIER RÉALISÉ PAR HÉLÈNE LAURANDEL

(1) Cinq grandes écoles (HEC Paris, AgroParisTech, CentraleSupélec, l'Ecole Polytechnique et l'ENS Ulm) ont lancé le « Manifeste étudiant pour un réveil écologique » (plus de 18 000 signatures au 23 octobre) qui appelle, entre autres, « les entreprises à placer les logiques écologiques au coeur de leurs activités et organisations ».

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